Une étude britannique sur le portage de bactéries résistantes aux antibiotiques

Une étude effectuée au Royaume Uni en 2017-2018 analyse des facteurs de risque de portage dans les selles de bactéries Escherichia coli résistant aux antibiotiques chez 223 chiens âgés de 4 mois.

L’étude complète du génome (matériel génétique) des bactéries est maintenant possible et performant. Cela permet de tracer et de comparer des souches de bactéries retrouvées dans les élevages, chez l’homme, mais aussi chez les animaux domestiques comme les chiens.

Les études montrent qu’il y a peu de souches communes entre les élevages pour la production de viande (Mounsey et al. 2021) et l’homme, grâce notamment à la chaine sanitaire efficace en Europe. En revanche, la barrière sanitaire est beaucoup moins étanche entre l’homme et son chien !

Un chien peut être porteur et excréteur de bactéries dans ses selles sans pour autant être malade. C’est ce qu’on appelle le portage, et un tel chien est qualifié de porteur sain. Pour avoir des bactéries dans ses selles, le chien se contamine par l’ingestion de bactéries sur des supports variés, par ingestion de selles, d’eau, de nourriture contaminées.

Certaines activités sont donc plus à risque, comme nager/jouer dans l’eau d’un étang, ou consommer de la viande crue contaminée… La consommation de nourriture crue est un risque parfois négligé par les amateurs d’alimentation BARF ou CRU. De nombreuses études ont montré la présence de bactéries, dont des pathogènes, dans les aliments crus achetés tout prêt, congelés (voir notre article le BARF est-il risqué).

Et contrairement à ce que de nombreux adeptes du BARF croient, l’estomac du chien ne tue pas toutes les bactéries !

Pourquoi est-ce un problème ?

La présence de bactéries dans les crottes de chien pourrait passer pour anodine. Mais quand ces bactéries sont pathogènes, c’est-à-dire que si elles sont ingérées par l’homme, elles le rendent malade. Normalement les antibiotiques permettent de tuer les bactéries. Mais il existe des bactéries résistantes aux antibiotiques. Quand une bactérie est résistante à plusieurs antibiotiques différents, on dit qu’elle est multirésistante.

L’existence de bactéries multirésistantes est un problème sanitaire de santé publique bien réel, car une fois qu’un bactérie est multirésistante, c’est-à-dire résistante à plusieurs antibiotiques simultanément, un homme infecté ne peut plus être traité avec ces antibiotiques, et peut donc mourir. La diffusion de telles bactéries est un risque très grave. Sans être alarmiste, cela existe, et la multirésistance est considéré comme un risque très sérieux en médecine humaine.

Que dit l’étude au Royaume Uni ?

La consommation de cru est-elle un vrai facteur de risque ? Les chiens qui mangent BARF sont-ils porteurs de plus de bactéries résistantes que les autres ?

Parmi les 233 chiots pour lesquels un échantillon de selles a été étudié, 43 consomment une alimentation crue (raw food), uniquement ou partiellement.

En outre, parmi les facteurs de risque de présence de bactéries résistantes à divers antibiotiques dans les selles, seule la consommation de nourriture crue est un facteur identifié, avec 32 des 43 chiens porteurs d’au moins une bactérie résistante : le risque de présence de bactérie résistante aux antibiotiques est 4 à 12 fois supérieur avec une alimentation crue, par rapport à une alimentation non crue.

Comparativement, la fréquentation d’étang est associée à un risque de contamination seulement 2 fois supérieur à un chien qui n’a pas cette activité.

Enfin, l’alimentation crue était associée à la présence d’E. coli résistants aux fluoroquinolones et à ceux résistants à la tétracycline, à l’amoxicilline et à la streptomycine.

Les bactéries sont-elles vraiment les mêmes que celles rencontrées chez l’homme ?

C’est très difficile à démontrer, car il faudrait analyser tous les génomes des chiens autour d’un homme atteint d’une infection par une bactérie résistante.

Toutefois, dans l’étude, des comparaisons entre les E. coli provenant de chiots connus pour être situés dans une région de 50 × 50 km avec ceux isolés d’infections urinaires humaines (isolés en parallèle dans la même région) ont permis d’identifier une lignée bactérienne portée par un chiot et avait causé une infection urinaire chez un homme.

Quelle conclusion ? Quelle conséquence ?

Hors toute volonté de polémique, il faut être clair : l’alimentation crue est associée au portage d’E. coli chez les chiens, même à l’âge de 4 mois, et les bactéries portées par les chiots sont partagées avec les humains. La cohabitation intime de chiens de compagnie et d’hommes impose des pratiques d’hygiène appropriées pour atténuer ces risques :
Eviter le léchage de l’homme par le chien + Se laver les mains + Cuire les aliments à risque, donc la viande…

Enfin, rappelons que la cuisson quelques minutes à 70°C de la viande tue les bactéries. Donc elle supprime le risque bactérien, sans pour autant altérer les qualités nutritionnelles de la viande pour le chien.

Source

Mounsey et al. Evidence that faecal carriage of resistant Escherichia coli by 16-week-old dogs in the United Kingdom is associated with raw feeding. One Health. 2022;14:100370. eCollection. https://doi.org/10.1016/j.onehlt.2022.100370

Mounsey et al. J Antimicrob Chemother. 2021;76(12):3144-3150.